01 Sep 2021
19:45–20:45

Venue: Maison Internationale des Associations | Salle Rachel Carson & Online

Cette conférence publique, en français, est organisée en partenariat avec la Maison internationale des associations dans le cadre de l’édition 2021 du Festival Alternatiba Léman, qui se tiendra à Genève du 30 août au 4 septembre 2021, et des dialogues de Genève sur la lutte contre la pollution plastique - Geneva Beat Plastic Pollution Dialogues. Elle se tient en marge de la Conférence ministérielle sur les déchets marins et la pollution plastique, organisée par l’Allemagne, l’Equateur, le Ghana et le Vietnam sous format hybride à Genève, les 1er et 2 septembre 2021. On y abordera notamment la contribution du cycle de vie du plastique au changement climatique, ainsi que les lacunes et les options possibles pour relever les défis au niveau mondial.

Le climat et le plastique au centre des débats de la Genève internationale

La Genève internationale est mobilisée dans la lutte contre le changement climatique et la pollution plastique. De nombreuses organisations internationales, missions permanentes et organisations non-gouvernementales placent la question climatique au cœur de leur travail. De même elles se mobilisent autour du développement d’un accord contraignant pour lutter contre la crise du plastique, soutenu à présent par plus de 100 gouvernements.

Capitale mondiale du multilatéralisme, Genève est en effet au centre de nombreux débats et négociations dans les domaines des sciences, des droits humains, du développement, du commerce et de la finance verte, de l’emploi, de la consolidation de la paix et de la sécurité, de la réduction des risques de catastrophes, des questions humanitaires, ainsi que sur les nouvelles technologies et l’innovation. Cette interdisciplinarité permet à la Genève internationale de disposer d’une expertise transversale unique sur le climat, cette thématique étant à l’ordre du jour de nombreuses délibérations.

Dialogues de Genève sur la lutte contre la pollution plastique

Les dialogues de Genève sur la lutte contre la pollution plastique – Geneva Beat Plastic Pollution Dialogues – visent à faciliter les synergies et les discussions sur la crise du plastique, et soutenir des approches coordonnées qui peuvent conduire à une prise de décision plus efficace. Bien que les dialogues ciblent des parties prenantes de tous les continents, ils visent principalement à encourager un engagement accru de la communauté genevoise dans la perspective de diverses négociations environnementales mondiales, telles que :

La première série de dialogues s’est tenue de novembre 2020 à février 2021, pour enclencher une dynamique en vue de la première partie de la 5e session de l’ANUE (Assemblée des Nations Unies pour l’environnement).

Avec la Conférence ministérielle sur les déchets marins et la pollution plastique se réunissant au format hybride, avec une présence centrale à Genève, les 1er et 2 septembre 2021 et d’autres discussions formelles et informelles en cours dans divers forums, le plastique reste une priorité de l’agenda de la Genève internationale. Sur la base des résultats de la première série de dialogues et des récents développements politiques, le Réseau Environnement de Genève continuee avec ses partenaires à faciliter un engagement et des synergies supplémentaires pour lutter contre la crise du plastique, en coopération avec ses partenaires.

La deuxième série de dialogues, qui se déroule d’août 2021 à février 2022, est organisée en collaboration avec le Secrétariat des Conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm, le Centre pour le droit international de l’environnement, le Centre de gouvernance mondiale de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, l’UICN, la Norvège, la Suisse, et le Forum sur le commerce, l’environnement et les ODD (TESS).

Alternatiba Léman

Le dimanche 6 octobre 2013, 12 000 personnes se retrouvaient à Bayonne dans le premier village des alternatives au changement climatique “Alternatiba”, quelques jours après la publication du Volet I du 5ème rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). L’année suivante, une dizaine de villages ont vu le jour et en 2015, c’est plus de 110 Alternatibas qui ont été organisés par des groupes locaux, à Paris-Ile-de-France, Bruxelles, Toulouse, Rennes, Strasbourg, Lyon, Tahiti, la Réunion… et Genève.

Le mouvement Alternatiba Léman a donc été lancé en 2015 afin de mobiliser d’une manière originale et positive les acteurs de la société civile pour sensibiliser la population à une échéance majeure pour le climat : le sommet du climat (COP21) qui s’est tenu fin 2015 à Paris. Depuis, chaque année la mobilisation continue.

La 7e édition du Festival Alternatiba Léman aura lieu le samedi 4 septembre 2021 au parc des Bastions, et sera précédé du lundi 30 août au vendredi 3 septembre d’un cycle de conférences, à Uni Mail et à la Maison des Associations.

Cycle de vie du plastique et changement climatique

Nous sommes familiers avec la présence et l’impact du plastique sur les océans et les ecosystèmes d’eau douce, toutefois la crise du plastique est multiforme et a d’autres impacts majeurs sur notre environnement. Il est important de relever que le secteur des plastiques est l’un des principaux contributeurs industriels au changement climatique et à la pollution de l’air.

En 2019, la production et l’incinération de plastiques ont ajouté plus de 850 millions de tonnes métriques de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, soit l’équivalent de la pollution de 189 nouvelles centrales électriques au charbon de 500 mégawatts (Plastic & Climate : The Hidden Costs of a Plastic Planet publié par le CIEL en mai 2019). D’ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre émis à partir du plastique pourraient atteindre 10 à 13 % du budget carbone restant (CIEL, 2019). Le plastique mettrait donc en danger la possibilité de maintenir l’augmentation de la température globale en dessous de 1.5°C.

La croissance mondiale rapide de l’industrie du plastique, largement alimentée par le gaz naturel, sape les efforts visant à réduire la pollution par le carbone et à prévenir une catastrophe climatique. Elle a des impacts importants sur notre environnement et met en danger la santé humaine.

Cette session, organisée en partenariat avec la Maison internationale des associations, abordera notamment la contribution du cycle de vie du plastique au changement climatique, ainsi que les lacunes et les options possibles pour relever les défis au niveau mondial.

Intervenant-e-s

Par ordre d’intervention

Bruno POZZI

Directeur pour l'Europe, Programme des Nations Unies pour l'environnement

Nikki REISH

Directrice, Programme climat et énergie, CIEL

Florian BREIDER

Chef, Laboratoire central environnemental, EPFL

Rolph PAYET

Secrétaire éxécutif, Conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm

Marie-Pierre MEGANCK

Conseillère environnement, Mission permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève

Yves LADOR

Représentant permanent de Earthjustice auprès des Nations Unies à Genève

Résumé

Introduction

Accueil | Hervé PICHELIN | Directeur, Maison internationale des Associations

La Maison internationale des Association (MIA) est ravie d’accueillir cet événement en collaboration avec le Geneva Environment Network (GEN). LA MIA est un lieu phare de Genève, où plus de 80 associations cohabitent. Parmi celles-ci, CIEL – dont une représentante nous a rejoint ce soir – joue un rôle déterminant à Genève sur les enjeux du plastique.

Mot de Bienvenue | Bruno POZZI | Directeur pour l’Europe, Programme des Nations Unies pour l’environnement

La conférence ministérielle sur le plastique qui a lieu à Genève actuellement, est une grande occasion de réunir les gouvernements pour discuter de la gouvernance mondiale sur le cycle de vie du plastique. Le titre de l’événement est parlant : il y a un réel combat à mener contre le plastique et le réchauffement climatique car l’enjeu est vital.

Ces deux combats sont liés car le problème de gestion du cycle de vie du plastique et celui du changement climatique sont des enjeux de consommation et production durable. Ils sont dus à nos mauvaises habitudes de vie et notre façon de gérer les ressources naturelles qui n’est pas en phase avec ce que notre planète peut soutenir. Ceci a un impact sur l’ensemble de nos vies et de nos ecosystèmes.

La solution à ces deux crises passe par les mêmes voies : un consensus mondial, une gouvernance environnementale mondiale, l’acceptation qu’il y a réellement un problème et la recherche de solutions communes. Genève étant l’une des places mondiales de la gouvernance environnementale, ses acteurs participent à ce débat. Faisons de ce combat contre la pollution plastique, le réchauffement climatique, et la perte de biodiversité, un combat mondial avec une volonté forte d’y arriver.

Contexte

Plastique et climat : les coûts cachés d’une planète plastique | Nikki REISH | Directrice, Programme climat et énergie, CIEL

Dans beaucoup d’endroits du monde, on constate une forte croissance de la capacité de production de plastique et de produits pétrochimiques à base desquels le plastique est fabriqué. L’explosion du fracking explique en grande partie cette croissance, car elle a rendu les gaz très bon marché. Cette diminution des coûts a engendré une expansion des infrastructures pour la production plastique.

Presque la totalité des plastiques (99%) sont des combustibles fossiles sous une autre forme, principalement du pétrole et du gaz. Aujourd’hui, les produits pétrochimiques sont le moteur principalement de croissance de la demande globale pour les produits pétroliers. Cette tendance n’est pas un hasard ; il s’agit d’une stratégie de l’industrie pétrolière et de gaz face à la diminution progressive de la consommation des combustibles fossiles comme source d’énergie et de carburant.

Selon l’IEA, la croissance de la demande de pétrole pour les produits pétrochimiques dépassera toute demande d’autres secteurs d’ici 2040. D’ici 2026, l’industrie pétrochimique sera responsables de 70% de l’augmentation de la demande en produits pétroliers. L’industrie des énergies fossile est donc fortement dépendante de la production de plastiques pour son avenir. En 2019, CIEL a publié deux rapports sur ces liens profonds. Le premier trace les effets du plastique sur la santé tout au long du cycle de vie. Le deuxième expose les émissions de gaz à effet de serre (GES) émises au cours du cycle de vie du plastique.

Les GES sont émis à chaque phase du cycle de vie des plastiques. Les plastiques représentent donc une menace importante et croissante pour le climat et la planète. Par conséquent, arrêter l’expansion de capacité de production de plastique et de produits pétrochimiques, et garder les combustibles fossiles dans le sol sont des stratégies essentielles pour atténuer les effets du changement climatique.

Le cycle de vie des plastiques inclut l’extraction et le transport des combustibles fossiles, le raffinage et la production des plastiques, la gestion des déchets, ainsi que les impacts environnementaux continus. Chacune de ces étapes génère des émissions importantes dus à plusieurs processus. Supprimer les émissions de GES du processus de raffinage de plastique est également extrêmement difficile. La plupart des plastiques finit par être jeté en décharge, recyclé ou pire, incinéré. Ceci génère des problèmes particuliers importants pour les pays du Sud qui reçoivent des déchets et n’ont pas les moyens de les gérer.

Au total, les plastiques sont responsables de 0,86 GT d’émissions de GES annuelles, et ce chiffre est estimé à 2,80 GT en 2050. A ce rythme, le cycle de vie des plastiques consommera l’équivalent de 10-13% du budget carbone global restant si on veut rester en dessous d’une augmentation de 1,5°C.

Réduire les émissions de GES du processus de raffinage de plastique est également extrêmement difficile. En outre, plupart des infrastructures ne dépendent pas du réseau électrique et la transition vers des énergies vertes ne résoudra pas le problème. La plupart des plastiques finit par être jeté en décharge, recyclé ou pire, incinéré. Ceci génère des problèmes particuliers importants pour les pays du Sud qui reçoivent des déchets et n’ont pas les moyens de les gérer.

La pollution plastique dans les océans est non seulement une menace pour la biodiversité, mais peut également réduire la capacité des océans à absorber le CO2. Des recherches récentes indiquent que les plastiques et les microplastiques pourraient empirer la situation des océans qui sont déjà saturés.

Pour conclure, nous devons donc mettre fin à la production et l’emploi de plastique à usage unique, arrêter le développement de nouvelles infrastructures pétrolières, gazières, et pétrochimiques, favoriser la transition au zéro-déchet, mettre en place la responsabilisation des producteurs de plastique comme élément critique de l’économie circulaire, et enfin adopter et faire respecter des objectifs ambitieux de réduire des GES dans tous les secteurs.

Avancement de la recherche dans le domaine de la pollution plastique et son impact sur l’environnement | Florian BREIDER | Chef, Laboratoire central environnemental, EPFL

La production scientifique sur la pollution plastique est exponentielle depuis quelques années, montrant une forte mobilisation de la recherche sur cette thématique. Lorsque l’on considère la question de la pollution plastique, trois paramètres sont importants :

  • Nature de la pollution : la pollution peut prendre la forme d’objets en plastique, de microplastiques, de polymers, ou d’additifs ajoutés
  • Temporalité : d’une part, la pollution apparaît à différents moments du cycle de vie. D’autre part, la durée de vie du plastique dans l’environnement est extrêmement longue. Il faut donc agir maintenant car nous savons que sur le long terme les effets sont importants et la quantité de pollution accumulée aujourd’hui est déjà très problématique. Agir au niveau de la production au plus vite est essentiel.
  • Espace : la pollution peut être localisée et des grandes variations en termes d’impacts sont observables selon les ecosystèmes concernés, que ce soit au fond des océans ou au sommet de l’Everest. Les recherches actuelles soulignent qu’aucun écosystème n’est inaffecté par la pollution plastique.

L’état de la recherche indique que la pollution plastique a des impacts conséquents à différentes échelles :

  • Sub-cellulaire : certains types de plastiques peuvent induire des modifications d’expressions de certains gènes ou d’activités de certaines enzymes
  • Cellule : le plastique peut avoir des effets de stress et inflammatoire sur les cellules
  • Organisme : le plastique peut avoir des effets sur la reproduction, la fécondité et le métabolisme énergétique des organismes impactés
  • Ecosystème : la pollution impacte la structure des populations et la chaîne alimentaire
  • Cycle biogéochimiques globaux : la pollution peut perturber les cycles de carbone, azote et phosphore.

De nombreuses inconnues demeurent cependant dans le domaine de la pollution plastique. Par exemple, la question de l’impact du plastique sur les cycles biogéochimiques est un domaine émergent, où les connaissances manquent encore. L’impact sur la santé humaine et la toxicité des produits méritent également être étudiés plus en profondeur. L’impact sur le sol et les plantes dans l’environnement terrestre est également encore peu connu. La pollution nanoplastique est également un domaine émergent où les mesures manquent. Enfin, les produits alternatifs aux plastiques et leur impact sur l’environnement sont encore peu étudiés.

Gouvernance mondiale: enjeux et défits à relever

Conventions sur les déchets et produits chimiques : Produits chimiques, déchets et changement climatique interrelations et potentiel d’action | Rolph PAYET | Secrétaire exécutif, Conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm

La pollution plastique est étroitement liée à la question climatique, tant au niveau de l’atténuation que de l’adaptation. En termes d’atténuation du changement climatique, il est important de reconnaître que l’explosion de la production du plastique est extrêmement problématique, de même que la mauvaise gestion des déchets plastiques. Seul un petit pourcentage des décharges sont gérées de façon adéquate en termes d’impact environnemental.

Afin de garantir certaines propriétés au plastique – résistance aux UV ou propriété non-inflammable par exemple –, de nombreux additifs toxiques sont ajoutés lors de la production. La production de ces additifs génère aussi des émissions de CO2. Lors de l’élimination des déchets, ces additifs terminent la plupart du temps dans l’environnement, avec des impacts négatifs sur les écosystèmes et la santé. Dans les pays qui n’ont pas de système de recyclage, ces impacts sont particulièrement problématiques.

Au niveau de l’adaptation climatique, l’augmentation de l’intensité et la fréquence des catastrophes naturelles accentuent les problèmes de gestion des déchets. Ceci n’est qu’un exemple, mais il y a d’autres synergies importantes entre l’adaptation climatique et la gestion de la crise du plastique.

Toutefois, le plastique a également l’avantage d’être plus léger que les autres matériaux. Il permet donc des avancées technologiques qui permettent de réduire les émissions de CO2, par exemple avec le développement des voitures électriques plus légères. Lorsqu’on cherche des solutions, il faut donc prendre en compte à la fois les aspects négatifs et positifs.

Les conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm font partie des outils de gouvernance mondiale pour réguler les plastiques. La convention de Bâle régule le commerce international de déchets, ce qui inclut les plastiques depuis 2019. La convention de Rotterdam régule certains produits chimiques dangereux ainsi que les pesticides. Enfin, la convention de Stockholm régule polluants organiques persistants, et certains des composants chimiques considérés actuellement sont des additifs utilisés pour le plastique.

Le Secrétariat des conventions BRS, en collaboration avec le Secrétariat de la convention de Minamata, a publié un rapport qui explore les liens entre les produits chimiques, les déchets et le changement climatique. Le rapport présente également le potentiel pour une action plus coordonnée sur ces enjeux.

La discussion sur la pollution plastique au niveau international est bien plus jeune que celle sur le climat. Cependant, il y a un grand potentiel d’action pour rattraper ce retard et développer une gouvernance mondiale du plastique.

Accord international sur la pollution plastique: cas pratique pour l’ANUE et test pour la gouvernance internationale de l’environnement | Marie-Pierre MEGANCK | Conseillère environnement, Mission permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève

Le plastique et le climat, est-ce vraiment le même combat ? D’un côté, nous savons que l’industrie du plastique contribue largement à l’aggravation de la situation climatique. Ainsi, ces combats sont liés, ne serait-ce que parce que la matière première du plastique – le pétrole – doit être éliminée afin de résoudre la crise climatique. Nous savons que nous avons fait proliférer les déchets de telle façon qu’il est de plus en plus difficile pour notre environnement d’absorber le carbone afin de réguler le climat. Ainsi, cet ensemble systémique ressort d’un même combat.

Cependant, si on veut une gouvernance mondiale efficace, nous devons séparer suffisamment nos combats et nos outils de combat afin d’éviter que le résultat final soit l’inaction ou l’annulation d’un combat par l’autre.

Il existe en effet des synergies avec l’Accord de Paris : agir sur le plastique va nous aider à atténuer et à nous adapter au changement climatique. Toutefois, cela ne nous empêche pas de séparer suffisamment les combats pour réfléchir sur l’instrument qu’il nous faut pour lutter contre la pollution plastique. Bien qu’il soit important de développer les synergies avec les instruments existants, ne pas développer un instrument spécifiquement pour ça serait contre-productif.

Une prise de conscience au niveau mondial a eu lieu, alimentée par des avancées scientifiques importantes concernant les impacts de la pollution plastique. La visibilité grandissante du problème a joué un rôle important dans cette prise de conscience. Ceci a généré une montée d’initiatives transnationales, parfois très médiatisées, qui ont fait bouger à la fois les comportements des gens et les régulations.

Si on veut une gouvernance efficace, il faut arriver à avoir un outil qui arrive à coiffer toutes ses initiatives et qui pourrait entamer un processus collectif au niveau mondial. C’est ça qui se joue aujourd’hui à Genève et qui représente un enjeu majeur. Depuis l’accord de Paris, la mode n’était plus à faire des accords. C’est donc un grand pas en avant que la communauté international décide de se doter d’un instrument global, complet et systémique pour traiter de l’ensemble du cycle de vie du plastique.

Genève a un rôle particulièrement important dans ce processus, car c’est là qu’on peut commencer à discuter des synergies avec d’autres instruments, notamment les conventions sur les produits chimiques, l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation international du travail, et plus encore.

Climat et plastique: enjeux pour la Genève internationale | Yves LADOR | Représentant permanent de Earthjustice auprès des Nations Unies à Genève

La récente conférence à l’HEI sur le commerce du plastique montre à quel point l’industrie du plastique est complexe. Il nous manque encore énormément de données pour avoir une vision détaillée de comment se finance et fonctionne ce secteur. Toutefois, lors de ces discussions, il est clairement ressorti que le plastique est vu par les acteurs de ce secteur comme un pilier des stratégies de décarbonisation. L’augmentation des investissements dans les infrastructures pétrochimiques, qui ancre le système dans la voie du plastique, démontre bien cette mentalité. On observe donc un déplacement du problème avec des intérêts matériaux, financiers et politiques qui se nouent autour de ce supposé échappatoire à la crise climatique. En réalité, le plastique rend la sortie de la crise encore plus difficile. Nous devons donc nous attaquer au cœur des processus économiques et des enjeux de pouvoir qui y sont liés.

Un autre problème auquel nous faisons face est le charactère monothématique des structures dans lesquelles nous évoluons. En effet, si l’on considère uniquement le CO2, certaines solutions peuvent sembler adéquates, alors qu’elle ne le sont pas au regard d’autres enjeux environnementaux et/ou sociaux. Les crises mondiales dans lesquelles nous sommes sont totalement imbriquées. La pollution, le réchauffement climatique et la perte de biodiversité sont trois facettes de la même crise. Chaque fois que l’on se concentre uniquement sur un des thèmes, on ne fait que déplacer le problème.

L’instrument que nous avons à disposition pour la question climatique – l’accord de Paris – est un succès, car il nous donne aujourd’hui un cadre commun et des critères de comparaison. Cependant, il reste en réalité extrêmement faible comparé à l’enjeu en question, car il ne contient pas d’obligation légale ou d’imposition de haut en bas. Aucun Etat ne montre véritablement sa volonté de prendre les mesures nécessaires par rapport à la situation réelle.

En parallèle, le Conseil des droits de l’homme va discuter tout prochainement pour se doter d’un mécanisme qui assure un suivi de l’impact du changement climatique sur le respect des droits fondamentaux. Ce nouveau mécanisme serait un complément à l’accord de Paris et permettrait de discuter différemment de toute une partie de la mise en œuvre tel qu’elle est exigée par Paris. Les processus de Paris sont en effet moins précis que ceux des droits de l’homme, par exemple en matière de capacité d’enquête. L’idée est de faire concourir plusieurs mécanismes au niveau national et international pour avancer sur la question climatique.

Le nouveau traité sur le plastique, qui nous espérons commencera à être négocié à l’ANUE-5.2 en février prochain, est également essentiel pour avancer dans ce domaine. Il ne s’agit pas de s’opposer ou de remplacer les autres mécanismes, mais d’apporter une complémentarité. Ce traité va aussi compléter les conventions BRS et Minamata. Il y a un donc lien direct entre le travail qui se fait à Genève toute l’année et la discussion qui a lieu maintenant à la conférence ministérielle.

Depuis 1995, le Conseil des droits de l’homme dispose d’un Rapporteur spécial sur l’impact des toxiques sur les droits fondamentaux. Celui-ci va déposer tout prochainement deux rapports : un premier sur droit à la science et à l’information et le deuxième sur la question des plastiques. L’un des arguments principaux est qu’il est nécessaire d’inverser une certaine approche : on doit partir de l’impact pour remonter vers leur conception.

Un des problèmes des mécanismes actuels – dans les conventions BRS par exemple – est l’approche « produit par produit », dans laquelle des groupes de travail scientifiques évaluent les produits pour les interdire ou les réglementer. Or, le nombre de produits existants rend la tâche quasi insurmontable. Nous devons donc inverser cette réflexion, pour commencer sur la question de l’impact sur les personnes, en prenant en compte les questions d’inégalité. Même si cela demande un grand travail, combiner les perspectives est essentiel, car terminer la liste des milliers de produits existants est un leurre.

Il existe toute une série d’instruments à Genève pour aborder les enjeux climatiques et toxiques. Cependant, nous devons multiplier et développer ces dialogues pour reposer les problèmes différemment. L’enjeu actuel est comment nous allons relier ces différents instruments.

Discussion

Clôture

Vidéo

L’événement était diffusé en ligne sur facebook et sur cette page.

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